LES RAISONS D'UN ENGAGEMENT (2022)

Robert Brasillach est le seul écrivain notoire fusillé pour avoir collaboré avec les nazis. En janvier 1945, si Paris est libéré, la guerre n'est pas finie. C'est dans ce climat tendu que s'ouvre son procès.
Le texte présenté ici est un mémorandum écrit par Robert Brasillach à la prison de Fresnes dans l’attente de son procès. Le prisonnier se préparait, avec l’aide de ses compagnons de cellule, à répondre aux questions qui pourraient lui être posées au tribunal.
À la barre, Robert Brasillach ne put s’expliquer que sur certains points. Le Mémorandum les détaille et développe des questions qui ne furent pas abordées durant le procès.
Il permet de comprendre les motivations de Robert Brasillach durant la Collaboration et éclaire la destinée de l’écrivain entraîné dans la tourmente de la guerre, fasciné par la force des jeunesses fascistes mais fermement attaché aux principes du nationalisme français.
Dans cet écrit, plus politique et biographique que judiciaire, Robert Brasillach revient sur ses relations avec les Allemands, de son retour de captivité jusqu’à son refus de partir en Allemagne en 1945, son soutien à la Légion des volontaires français, sa méfiance vis-à-vis de la Milice, ses rapports avec le gouvernement de Vichy, la crise de Je suis partout, la justification de son antisémitisme…
Le texte original, non destiné au public, fut perdu et reconstitué à partir de copies dactylographiées, accompagnées ici des notes de Maurice Bardèche et de l’auteur.
Voici un texte indispensable pour comprendre en profondeur l’œuvre de Brasillach, devenu un symbole de la honte des intellectuels français, depuis son procès pour intelligence avec l'ennemi.
Poète, romancier, spécialiste de Corneille et de Chénier, contemporain de l'émergence du fascisme européen, son apologie des idées d'extrême droite des années 30, classeront Brasillach comme auteur de la droite fascisante, aux côtés de Céline, Drieu la Rochelle, ou Jouhandeau.

Lors de son procès, Brasillach sera soutenu par une large mobilisation de personnalités du monde littéraire de tous bords politiques, demandant sa grâce : Valéry, Claudel, Mauriac, Camus, Aymé, Cocteau, J-L. Barrault, Anouilh, Colette… Mauriac écrira qu’il n’était "ni criminel ni traître", Sartre dira qu’il "n'était pas le plus coupable".
Mais De Gaulle restera intangible : il voulut L’Epuration, grande affaire judiciaire et morale pour laver le pays de la parenthèse pétainiste, totale et implacable. S’interrogeant sur les raisons de De Gaulle à laisser exécuter Robert Brasillach, certains évoqueront une concession faite aux communistes pour pouvoir être plus ferme sur d'autres points.

Le procès de Brasillach n'a duré que 6 heures, sans qu'aucun témoin ne soit cité. La délibération a duré 20 minutes, le temps de convaincre des jurés "émus et hésitants" qu'ils n'avaient guère le choix entre "condamner à mort ou acquitter".
Sans volonté de réhabiliter Brasillach, Philippe Bilger, Avocat Général près la cour d'appel de Paris, revient sur le déroulement du procès dans son livre : "20 minutes pour la mort – Brasillach : le procès expédié" (2011), procès qu’il juge indigne et dans lequel il voit un exemple déshonorant de justice expéditive.

La France, pays des débats d’idées, laisse parfois aux faits la place secondaire : l’épuration intellectuelle frappa très fort ! Les artistes furent la cible de sanctions disciplinaires à la hauteur de la malfaisance de leurs activités, certes, mais aussi en fonction de l’époque où ils furent jugés… Céline a fui, comme d’autres, et sera jugé en des temps plus cléments. Brasillach, lui, s’est rendu pour qu’on libère sa mère incarcérée.
Et si ses écrits étaient hautement condamnables, Brasillach a payé son engagement d’un prix exorbitant.