Dame Amour, la Force d'Attraction: Récit issu de vraies vies de Bernard Raquin

Présentation de l'éditeur

Dans le vent, les pierres geignent, lançant au-delà de la nuit une complainte monotone, qui rejoint les gémissements des femmes esseulées et des hommes brisés , des suppliques haletantes escortent la fillette sous les frondaisons. Quelque chose de terrible va encore se produire, un cyclone définitif, ou un raz-de-marée engloutissant son hameau. La pluie est noire, tout son corps la brûle. Les Bruits s'intensifient. Devant elle, un sentier tourbillonne, bordé par les grincements des animaux pleurant de peur et de chagrin. Elle s'approche du plus grand des tombeaux, surmonté d’une sculpture naïve représentant des scènes de la vie d’un défunt, un homme portant son casque de l’armée française lors de la Grande Guerre, surélevé des crânes de zébus sacrifiés lors de son enterrement. Elle s’agenouille, bras levés, et se met à pleurer comme c'est la coutume.- Ô Au-Delà, comment est la Mort ? Je veux mourir, pitié.Des glissements dans l'obscurité, une cavalcade feutrée et oppressante. À l'Ouest, la Nuit assemble les sons de la nature et se prépare à délivrer son Verdict. C'est la voix sépulcrale de la Rafle, la voix du Ponant, quand les Patriarches sont dérangés par quelqu'un qu'ils ne réclament pas. La Voix des Terreurs. Noëline est secouée jusqu'aux os, mais c'est urgent. Sous la lune sanglante, elle entend distinctement le tombeau répondre :- Qui nous trouble ? Ah c'est toi, petite Enchanteresse, tu es en avance, et ton père, nous n'en voulions pas. Veux-tu donc mourir, que tu t’enquiers de la Mort ?- J’aurais voulu vivre, hélas, mais j’ai ouvert l’antre d’un Monstre qui vit sous terre. J’ai outragé mes Ancêtres. Il vaut mieux que je meure, si tu permets, j’ai honte de ma vie. - Pourquoi donc mourir ? - Si Grand-Ogre mange ma chair et boit mon sang, alors il laissera revivre mon baba dans le royaume des ancêtres. - Ainsi tu vas mourir car tu le mérites. Fais-toi belle, mets ta jolie robe, débarbouille ta frimousse et coiffe bien tes cheveux. Puis tu t’étendras à côté du cimetière, pour qu’on y tolère ton père. Dames Faim et Douleur te rendront folle et dévoreront ton âme. Les passants diront : « C’est ici que l'oiseau trépassé l’a amenée, la petite Noëline qui a tué son père, et qui est enterrée la tête contre ses pieds, pour le servir dans la Société des Morts. » - Merci, Messire Ancêtre, et que Monseigneur Père Céleste te couvre des bénédictions sacrées.