Le prix de l'angoisse de Gilbert Gallerne

Dans ce thriller psychologique à huis clos, Gilbert Gallerne excelle à distiller un suspense qui va crescendo jusqu'aux tout derniers rebondissements d'un dénouement haletant.
Depuis que Daniel Berger - traumatisé par une agression nocturne qui a failli lui coûter la vie - a confié à Martin Lançoix sa protection, celle de Nicole, sa femme, et celle de leurs deux enfants, celle-ci ne peut se défaire d'un sentiment d'angoisse diffus. Avec ses faux airs de voyou et son arrogance de beau ténébreux, cet ex-flic l'inquiète plus qu'il ne la rassure. Son zèle envahissant l'exaspère et provoque des heurts qui la minent.
Tandis que Daniel, accaparé par ses affaires et de nombreux déplacements professionnels, ne prête qu'une oreille distraite à ses réticences, la jeune femme s'efforce d'ignorer le malaise palpable qui accompagne chaque apparition de Martin. Mais comment museler son imagination quand d'inexplicables drames viennent bouleverser une vie familiale jusque-là sans histoires ?


Mais Chloë n'avait pas vu le cadavre. Et elle ne parvenait pas à croire à la mort de Martin. Aussi ne fut-elle pas surprise lorsqu'elle le vit émerger entre les buissons. Elle avait toujours su que cela se produirait.
Elle ne put que le fixer de ses grands yeux terrifiés. Elle le vit approcher, immense, du sang lui maculant le visage et les vêtements. La démarche hésitante, tel un zombie, il traversa l'allée pour approcher de la voiture.
Il allait saisir Mathieu. Il fallait que Mathieu se glisse à travers l'ouverture de la grille et la rejoigne, qu'il se mette en sécurité avec elle... Elle devait le prévenir. Elle devait lui dire. Lui dire que Martin arrivait derrière lui, qu'il tendait la main vers lui pour le saisir...
Mathieu vit son regard terrorisé, sa bouche grande ouverte sur un cri qui refusait de sortir.
— Qu'est-ce...
Il sursauta quand la main se posa sur son cou, poussa un cri aussitôt étouffé par les doigts qui se refermèrent sur sa gorge. Il voulut se débattre mais Martin, bien que blessé, était plus fort que lui.
Chloë était pétrifiée. Rivée aux barreaux glacés du portail, elle fixait cet homme immense et, lorsqu'il posa le regard sur elle, elle eut l'impression de tomber dans un puits sans fond. Un puits noir où régnaient la folie et la haine.
— Viens ici, ordonna-t-il.
Non. Elle ne voulait pas. Elle était en sécurité de son côté de la grille. Tant qu'elle y demeurait, elle ne risquait rien.
— Viens ici ou je tords le cou de ton frère comme celui d'un poulet !
Mathieu voulut protester mais la main de Martin se crispa et il poussa un gémissement de douleur.
— Viens ! Tout de suite !
Chloë ne pouvait pas le laisser tuer son frère devant elle.
En pleurant, elle se glissa dans l'ouverture, grimpa sur le capot de la Mercedes pour les rejoindre. Dès qu'elle fut près d'eux, Martin lâcha son frère et la saisit. Elle était si frêle qu'il n'avait besoin que d'une main pour lui enserrer le cou. Mathieu n'avait pas bougé.
— Toi, lui dit-il, tu montes dans la voiture et tu y restes.
Mathieu s'exécuta sans mot dire tandis que Martin assurait sa prise sur le cou de Chloë qui pouvait à peine respirer.
— Maintenant, on va attendre votre mère.